PREMIER MARIAGE A BEGLES
Le 16 janvier 2004, Sébastien Nouchet, un homme gay résidant dans le Pas-de-Calais, dit avoir été agressé par plusieurs personnes : gravement brûlé il passe plusieurs semaines dans le coma. Médiatisée, l’affaire prend une dimension nationale. Jacques Chirac, alors président de la République, assure que les coupables de ce « crime odieux » seront « arrêtés et sanctionnés comme ils le méritent » L’urgence de lutter contre l’homophobie s’impose ; mais aussi pour y parvenir la nécessité d’obtenir l’égalité des droits pour les personnes LGBT et notamment le droit de se marier et d’adopter des enfants.
Le juriste Daniel Borrillo et le philosophe Didier Eribon rédigent alors le Manifeste de l’égalité des droits, qui, signé par plusieurs personnalités, sera publié par le journal Le Monde le 17 mars. Parmi les signataires Noël Mamère, député-maire de Bègles.
C’est alors qu’un couple d’hommes habitant cette commune se présente à la mairie avec la ferme intention de se marier : Le 22 avril, Noël Mamère annonce qu’il mariera lui même ce couple de même sexe. La déclaration fait l’effet d’une bombe : il est le premier à oser ! Les réactions sont virulentes notamment de la part de politiques, qui l’accusent de faire de ce mariage une provocation, un coup médiatique. Si les Verts sont soudés derrière le maire de Bègles, la gauche est mitigée ; sans parler de la droite, farouchement opposée. Et même s’il s’agit d’un mariage civil, l’église à travers ses représentants dénonce notamment par la voix de l’Archevêque de Bordeaux, Mgr Ricard son opposition au mariage des couples de même sexe.
Le gouvernement réagit aussi : le 28 avril, dans un entretien au « Figaro », le ministre de la Justice, Dominique Perben, se dit opposé à l'ouverture du mariage aux couples homosexuels et condamne l’initiative de Noël Mamère. Il demande, le 5 mai, au parquet général de Bordeaux de s’opposer à la célébration du mariage de Bègles. Trois semaines plus tard, le procureur de la République de Bordeaux signifie à l’élu Verts que le mariage entre deux hommes qu’il entend célébrer est interdit par la loi. Début juin viennent les menaces. Le premier ministre , Jean-Pierre Raffarin avertit Noël Mamère des sanctions administratives encourues s’il persiste dans sa démarche.
Mais le maire de Bègles persiste et déclare dans le quotidien "Sud Ouest" : "Le rôle d’un politique n’est pas de se taire pour ne pas gêner. Il faut créer le débat. J’en prends le risque, et j’accepte le terme de provocateur."
Le parcours semé d’embûches continue . Début juin, à quelques jours du mariage, le procureur de la République dénonce un domicile fictif et l’incompétence territoriale du maire.
Le samedi 5 juin 2004 en fin de matinée au milieu d’ une nuée de photographes, de journalistes, le premier mariage d’un couple de même sexe en France. Dehors des cordons de CRS déployés,des manifestants anti-mariage et Philippe de Villiers qui réclame la révocation pure et simple du maire. Des militants LGBT de la côte basque qui ont assisté à la scène évoque un climat haineux difficile à oublier.
Le 15 juin, le ministère de l’Intérieur annonce que Noël Mamère est suspendu pour un mois.
Le 27 juillet, le tribunal de grande instance de Bordeaux annule le mariage.
Mais l’initiative de Noël Mamère a permis d’ouvrir le débat dans la société et aussi au sein de la communauté LGBT elle-même divisée sur cette question, une partie préférant un alignement des droits du Pacs sur le mariage. Mais peu à peu l’idée d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe fait son chemin...